Certains randonneurs seraient trop chargés, mal équipés et remplis d'ampoules aux pieds. Nous sommes allés vérifier sur le terrain
Tout est parti d'une intervention, celle de Christian Bertholet, président du Comité départemental de randonnée pédestre de Haute-Loire. Il a récemment évoqué dans un magazine national, daté du mois de juillet, un fait qu'il dit vérifier régulièrement. Une réflexion née de certaines habitudes prises par les randonneurs empruntant le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, au départ du Puy-en-Velay. Selon Christian Bertholet, au bout du premier jour, soit 23 km de marche, les pèlerins se rendent compte qu'ils ont trop chargé leur sac de voyage. Direction La Poste de Saint-Privat-d'Allier où ils se délestent d'une partie de leur paquetage.
À la deuxième étape, à Saugues, c'est leur équipement qui montre quelques signes de faiblesse inquiétants. En particulier les chaussures de marche. Un saut au magasin de Saugues et l'affaire est jouée. Une belle paire de chaussures toutes neuves. Et les pieds dans tout ça ? Ils souffrent. La pharmacie de Saint-Alban-sur-Limagnole, en Lozère, serait dévalisée de ses pansements. Nous sommes allés voir sur le terrain pour vérifier cette impression. Dans chaque ville étape, nous sommes allés à la rencontre des pèlerins pour recueillir leur sentiment sur ces faits. Nous avons aussi discuté avec les commerçants concernés. Après tout, ils sont les mieux informés sur la question.
Il se trouve que les rumeurs se vérifient. Question de ressenti. La relative photographie nous inspire dès lors une méfiance légitime. On se gardera de faire des généralités de scènes qui se retrouvent tout au long du chemin. A-t-on simplement le sentiment que sur trois étapes, en particulier, l'épisode se répète au point d'en faire un éclairage. Délestez-vous, chaussez-vous, pansez-vous, petit voyage sur les premiers kilomètres du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Départ : Le Puy-en-Velay. Arrivée : Saint-Alban-sur-Limagnole.
Dossier réalisé par
Julien Billy
jbilly@leprogres.fr
Les pèlerins renvoient leurs affaires comme une lettre à La
Poste
Camille a 19 ans. Cette Québécoise s'est lancée le matin même du Puy sur le
chemin de Saint-Jacques. Mais dès les premières heures, son dos n'a pas supporté
la lourde charge de son sac. « J'ai trois kilos en trop », lance l'étudiante à
l'accent si reconnaissable. Elle s'est donc empressée de vouloir expédier
quelques affaires. « Ça me coûterait trop cher de les renvoyer chez moi. Alors,
je vais essayer de les faire suivre à une autre étape. C'est une question de
logistique maintenant », sourit l'intéressée, qui confirme la préférence pour
les étrangers à opter pour du transbagage. Les Français n'hésitent pas à
renvoyer chez eux. La Vieille auberge fait Point Poste. Et l'activité est
animée. « Ça peut être des pèlerins qui ont pris leur tente pour le camping et
qui changent rapidement d'avis », donne en exemple, Emmanuelle Gandeboeuf. La
patronne de l'auberge le voit à la tête des randonneurs. « Quand ils ont les
joues bien rouges, il y a un problème. »
Avec Nicole et Serge, les randonneurs trouvent chaussure à
leur pied
Saugues, capitale de la Bête du Gévaudan… et de la chaussure de randonnée. Ce
pourrait être le nouveau slogan pour cette commune traversée par les pèlerins de
Saint-Jacques. La ville a deux magasins de chaussures. Chez « Alles chaussures
», propriété de Nicole et Serge Rousset, 10 % du magasin concerne les
équipements pour la marche. Une partie de la vitrine y est même réservée.
Pourtant, les commerçants se défendent « de vendre de tout ». Des périodes sont
plus propices. « C'est surtout en juillet et août. Ceux qui font Saint-Jacques
au printemps sont plutôt des connaisseurs. Ce sont en majorité des étrangers.
Ils sont bien équipés. » Le matin de notre venue, une jeune Parisienne est venue
acheter une paire. Les siennes étaient usées. Ici, ça va de 60 à 230 euros. La
préférence de Serge Rousset va à la Meindl, « la Rolls des chaussures de rando
». Saint-Jacques fait travailler tout le monde. Y compris les marchands de
chaussures, qui ouvrent chaque matin vers 7 h 30.
Aujourd'hui, les pèlerins de Saint-Jacques sont en fête
Aujourd'hui, c'est la saint Jacques. Et les pèlerins sont en fête. L'association
Les Amis de Saint-Jacques du Velay propose diverses animations à l'occasion de
son 10e anniversaire. Dès 14 heures, une visite guidée de la ville permettra de
découvrir le patrimoine jacquaire. Le rendez-vous est donné devant l'office de
tourisme. De 15 heures à 18 heures, plusieurs lieux ouvrent leurs portes :
Maison Saint-François, Relais Notre-Dame, Relais du pèlerin, gîte des Capucins,…
À 21 heures, un spectacle, Salve Regina, sera donné en la cathédrale. L'année
prochaine, 2010 sera une année jacquaire. La saint Jacques tombera un dimanche.
Les petits bobos sont soignés à la pharmacie
Le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle laisse indéniablement des traces à
tous ceux qui s'y aventurent. La marche, ça use les chaussures et ça esquinte
beaucoup les pieds. Dès lors, un petit tour en pharmacie s'impose. A
Saint-Alban-sur-Limagnole, en Lozère, l'officine se situe à l'arrivée du chemin.
Si les randonneurs ne se trompent pas d'itinéraire, ils ne peuvent pas la
louper. Et sur les présentoirs de la pharmacie, les pansements et autres remèdes
aux maux de pieds, ont trouvé une place de choix. Ampoules, brûlures, coussinets
de protection, les boites sont bien en évidence. « Ce sont surtout des
tendinites et des ampoules », repère l'une des pharmaciennes. Sans oublier les
crèmes solaires pour les méchants coups de soleil. « Ça défile tous les jours. »
Liliane est venue faire des stocks. Prévoyante, elle s'est méfiée avant de
partir et recharge sa mallette de secours. « Je ne prends pas la boite car c'est
trop encombrant », souligne la pèlerine.
Astuce : Sacs trop lourds, faites-les porter
Deux sociétés de transport de bagages et de personnes existent à partir du Puy-en-Velay. Il s'agit de Transbagages (04 66 65 27 75) et Factage E2R (04 71 06 17 26). Ce système existe depuis une dizaine d'années. Transbagages affirme faire 20 000 bagages et personnes chaque saison. « Nous, on fait environ 1 000 personnes et 5 000 bagages », annonce Thierry Chabalier de factage E2R. Il faut compter environ 8 euros par bagage et par jour. « Ce sont surtout des retraités. Côté public étranger, c'est à peine 10 % de la clientèle », note-t-on chez Transbagages.
Chaque matin, deux messes en la cathédrale du Puy
7 heures du matin. Chaque jour, entre 50 et 100 pèlerins posent leur bagage
contre un mur et prennent place sur le banc pour une petite heure de messe qui
inaugure leur chemin. Cette démarche liturgique, qui leur est suivie chaque
année par quelque 11 000 pèlerins. Un second office a lieu chaque matin à 9
heures / Julien Billy
Dans les pas de Godescalc...
Parlons un peu histoire. La Via podiensis, aussi appelé Route du Puy, est l'un
des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Elle est balisée en tant que
sentier de grande randonnée GR65. C'est en l'an 950 que Godescalc, évêque du
Puy, se rend en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle / Julien Billy
1 509 km séparent Le Puy-en-Velay à
Saint-Jacques-de-Compostelle
Quatre itinéraires sont répertoriés comme point de départ vers Saint-Jacques.
Outre Le Puy, on compte ceux de Paris, Vézelay et Arles. 1 509 km séparent Le
Puy et Saint-Jacques. Le GR 65 compte 134 km en Haute-Loire / Julien Billy
Entre 20 000 et 30 000 pèlerins chaque année sur la Via
podiensis
Aucune donnée chiffrée ne permet de comptabiliser avec exactitude le nombre de
randonneurs qui partent chaque année de la cité ponote. On estime entre 20 000
et 30 000 pèlerins chaque année. La moitié assisterait à la messe du matin en la
cathédrale du Puy / Julien Billy